Composition administrative à l'AMF : la Cour de cassation confirme l'absence de recours contre la décision de saisine immédiate de la commission des sanctions

Par un arrêt du 10 mai 2024, la Cour de cassation a jugé qu'aucun recours n'est possible contre la décision du collège de l'Autorité des marchés financiers (AMF) de notifier des griefs sans proposition d'entrée en voie de composition administrative.

Cour de cassation, chambre commerciale, 10/05/2024, 22-21.085

La chambre commerciale de la Cour de cassation vient d'apporter d'importantes précisions sur les voies de recours ouvertes contre les décisions prises par l'Autorité des marchés financiers (AMF) dans le cadre de la procédure de composition administrative.

Cette affaire trouve son origine dans une sanction infligée par la Commission des sanctions de l'AMF à la société Candel & Partners (anciennement Consellior), sanction motivée par une déclaration tardive de cession de titres et une omission d'information du marché lors de l'offre publique d'achat simplifiée visant la société Baccarat en 2018-2019.

La société sanctionnée a formé un recours devant la Cour d'appel de Paris contestant à la fois la décision de sanction de la Commission et la décision préalable du collège de l'AMF de la saisir immédiatement sans lui proposer au préalable d'entrer en voie de composition administrative.

Si la Cour d'appel a logiquement examiné le bien-fondé de la sanction infligée, elle a en revanche jugé irrecevable le recours en tant qu'il visait la décision de saisine immédiate prise par le collège.

La société Candel & Partners s'est pourvue en cassation pour contester cette irrecevabilité. Mais la Haute juridiction a fermement rejeté son pourvoi sur ce point.

Dans un attendu très clair, la Cour de cassation rappelle que l'article L. 621-14-1 du Code monétaire et financier limite strictement les voies de recours en matière de composition administrative. Selon ce texte, seules sont susceptibles de recours la décision du collège validant un accord de composition et celle de la Commission des sanctions homologuant cet accord.

En revanche, la décision initiale du collège de notifier des griefs tout en écartant l'option de la composition administrative n'est pas susceptible de recours. Une telle décision relève en effet du pouvoir d'appréciation du collège quant à l'opportunité et aux modalités des poursuites à engager.

Sur ce point, la Cour de cassation confirme donc une jurisprudence constante de la Cour d'appel de Paris. Cette dernière avait déjà jugé à plusieurs reprises que le choix de la composition administrative ou de la saisine immédiate de la Commission des sanctions n'est pas un acte détachable de la procédure mais s'inscrit dans le cours normal de celle-ci, sans affecter en lui-même les droits des personnes poursuivies.

Si ce choix devait révéler une erreur de droit ou de qualification juridique, ce vice pourrait certes être invoqué à l'appui du recours formé contre la décision de sanction. Mais il ne saurait ouvrir, à lui seul, un recours autonome dès le stade de la notification des griefs.

En l'espèce, la société sanctionnée faisait valoir qu'une erreur d'appréciation caractérisée du collège dans son choix de saisir immédiatement la Commission constituait un vice de procédure justifiant l'annulation de la décision de sanction. Mais la Cour de cassation ne l'a pas suivie sur ce terrain.

Au final, cette décision marque une nouvelle désapprobation ferme de la Haute juridiction à l'encontre des tentatives visant à multiplier les voies de recours contre les décisions de l'AMF. Elle consacre un régime procédural d'une grande rigueur dans lequel les personnes poursuivies ne disposent que de deux portes d'entrée pour contester les décisions prises à leur encontre : le recours contre la décision de validation de la composition administrative et le recours contre la décision de sanction.

Une telle conception restrictive des voies de recours peut sembler sévère. Mais elle s'inscrit dans la logique d'efficacité et de rapidité assignée aux procédures suivies devant l'AMF. Elle contribue aussi à préserver l'autorité de cette institution régulatrice et la portée de son pouvoir de sanction.

Le champ d'application de cette jurisprudence demeure limité à la seule procédure de composition administrative. En dehors de ce cadre spécifique, les règles de droit commun continuent de s'appliquer, ouvrant des possibilités de recours plus larges contre les autres décisions de l'AMF.

La position de la Cour favorise une conception très fonctionnelle de la procédure de sanction devant l'AMF, dans laquelle prévaut l'efficacité sur les subtilités procédurales. Un choix assumé de pragmatisme contentieux, au détriment peut-être de certaines garanties juridictionnelles pour les personnes poursuivies.