La Cour de cassation précise les conditions de validité du cautionnement donné par une société anonyme

Dans un arrêt rendu le 10 mai 2024, la Cour de cassation a rappelé les règles applicables au cautionnement consenti par une société anonyme à directoire et conseil de surveillance, en particulier la nécessité d'une délégation expresse du directoire au président pour engager la société.

Cour de cassation, chambre commerciale, 10/05/2024, 22-20.439

La Cour de cassation vient de rendre une décision importante concernant les conditions de validité du cautionnement donné par une société anonyme à directoire et conseil de surveillance. Dans un arrêt en date du 10 mai 2024, la Haute juridiction a censuré un arrêt de la Cour d'appel de Paris qui avait jugé valable un cautionnement souscrit au nom d'une telle société par son président du directoire, sans qu'il soit démontré l'existence d'une délégation expresse du directoire l'habilitant à engager ainsi la société.

Les faits à l'origine de cette affaire remontent à 2010. La société BNP Paribas avait accordé un prêt à la société L'Huitrière, garanti par le cautionnement solidaire de la société Investissement Gestion Service (IGS), société anonyme à directoire et conseil de surveillance. La débitrice principale ayant été placée en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement la caution, la société IGS.

Cette dernière a contesté la validité de son engagement de caution, faisant valoir que le cautionnement avait été souscrit par le président du directoire sans autorisation expresse du directoire. La Cour d'appel de Paris a cependant écarté ce moyen, au motif que le président du directoire représente la société dans ses rapports avec les tiers et qu'aucun texte ni les statuts de la société IGS n'exigeaient qu'il soit spécialement habilité par le directoire pour conclure un acte de cautionnement autorisé par le conseil de surveillance.

La société IGS s'est pourvue en cassation contre cet arrêt. Dans un avis très didactique, la Cour de cassation est revenue sur le régime juridique applicable aux cautionnements souscrits par les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance.

Elle a rappelé que, si le président du directoire représente la société dans ses rapports avec les tiers, il ne peut décider par lui-même de consentir un engagement de caution au nom de la société que s'il a reçu à cette fin une délégation expresse du directoire. En effet, l'article L. 225-68 du Code de commerce subordonne la conclusion des cautions, avals et garanties donnés par ce type de société à une autorisation préalable du conseil de surveillance. Le directoire ne peut donc conclure un tel acte qu'en vertu d'une délégation du conseil de surveillance. Et s'il reçoit une telle délégation, le directoire doit lui-même déléguer explicitement ses pouvoirs au président pour que ce dernier puisse engager la société.

En l'espèce, la Cour d'appel avait bien relevé l'existence d'une autorisation du conseil de surveillance permettant au directoire de conclure le cautionnement litigieux. Mais elle aurait dû également vérifier que le directoire avait délégué au président du directoire le pouvoir de souscrire effectivement ce cautionnement au nom de la société. C'est cette carence qui a conduit la Cour de cassation à casser l'arrêt d'appel pour défaut de base légale.

Cet arrêt est donc l'occasion pour la Haute juridiction de rappeler solennellement les principes régissant la conclusion des actes de cautionnement par les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance. Il souligne la rigueur à observer dans le respect de la répartition des pouvoirs et des délégations au sein de ces sociétés, sous peine de nullité des engagements souscrits.

Il convient de s'assurer à chaque fois du respect scrupuleux de la chaîne de délégations et de l'observation des formalités requises. En cas de doute, il est prudent d'exiger la justification des pouvoirs de la personne engageant la société.

Cette décision confirme également l'attachement de la Cour de cassation au respect des règles de fonctionnement propres aux sociétés anonymes et à la préservation des prérogatives de chacun de leurs organes sociaux. Le formalisme et la sécurité juridique l'emportent sur les facilités parfois recherchées dans la pratique des affaires.

Au-delà du cautionnement, cet arrêt appelle ainsi les dirigeants sociaux à la rigueur dans l'exercice de leurs fonctions et les conseils à un contrôle attentif des délégations de pouvoirs. C'est au prix de cette vigilance que la validité des engagements souscrits au nom des sociétés pourra être assurée.