Imposition des gains latents dans les sociétés civiles : la Cour de cassation apporte des précisions

La Cour de cassation a clarifié les modalités d'imposition des gains latents réalisés par les associés de sociétés civiles n'ayant pas opté pour l'impôt sur les sociétés, en cas d'inscription de ces gains sur leur compte courant.

Cour de cassation, chambre commerciale, 10/05/2024, 22-18.988

Dans un arrêt très attendu rendu le 10 mai 2024, la Cour de cassation a apporté des précisions importantes concernant l'imposition des gains latents réalisés par les associés de sociétés civiles n'ayant pas opté pour le régime de l'impôt sur les sociétés.

L'affaire concernait une contribuable, Mme [P] [M], qui détenait des parts dans deux sociétés civiles de gestion de portefeuille, les sociétés Verte Forêt et Océane. Ces sociétés n'avaient pas opté pour l'impôt sur les sociétés et établissaient leurs bénéfices en tenant compte de la valeur vénale réelle des éléments composant leur actif net, conformément à leurs statuts.

En 2010, après avoir approuvé les comptes des sociétés pour l'exercice 2009 et procédé à l'affectation des bénéfices sur les comptes courants des associés, l'administration fiscale a considéré que la quote-part des résultats ainsi créditée sur le compte courant de Mme [M] devait être prise en compte pour le calcul du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Elle lui a donc réclamé un supplément d'ISF.

Après le rejet de sa réclamation, Mme [M] a saisi la justice pour contester cette imposition. L'affaire est finalement arrivée devant la Cour de cassation, qui a dû se prononcer sur le caractère imposable ou non des gains latents inscrits sur les comptes courants des associés.

Dans son arrêt, la Haute Cour a rappelé les principes applicables en la matière. Elle a souligné que si une société civile établit ses bénéfices en tenant compte de la valeur vénale réelle de son actif net, la part de gains latents qu'ils comportent du fait de ce mode de calcul statutaire ne peut être incluse dans les revenus imposables des associés, et ce quelles que soient les modalités de détermination du résultat arrêtées par les statuts.

En l'espèce, la Cour d'appel de Paris avait pourtant retenu le bénéfice comptable réalisé par les sociétés et son inscription en compte courant comme un revenu imposable, alors qu'aucun résultat bénéficiaire n'était taxable au titre des contrats de capitalisation détenus par ces sociétés. La Cour de cassation a donc censuré cette décision, jugeant que la Cour d'appel avait violé les dispositions du Code général des impôts applicables.

Cette décision est d'une importance capitale pour les associés de sociétés civiles n'ayant pas opté pour l'impôt sur les sociétés. Elle confirme que les gains latents résultant de l'évaluation de l'actif net à la valeur vénale ne sont pas imposables au niveau des associés, même lorsqu'ils sont inscrits sur leur compte courant.

Cet arrêt met fin à une incertitude juridique et apporte une sécurité accrue aux contribuables concernés. Il rappelle que seuls les revenus effectivement réalisés et distribués par la société sont imposables entre les mains des associés, conformément aux règles applicables aux sociétés civiles non soumises à l'impôt sur les sociétés.

Dans tous les cas, cet arrêt confirme l'importance de bien maîtriser les règles spécifiques applicables aux sociétés civiles, qui diffèrent sensiblement de celles régissant les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés. Une bonne connaissance de ces règles et un suivi rigoureux des opérations réalisées par ces structures sont essentiels pour garantir une imposition conforme à la loi.